L’enjeu : une acceptation plus large des perspectives autochtones par le grand public pourrait offrir de nouvelles voies pour la réconciliation, l’action climatique, les initiatives contre le racisme et le développement social, avec le risque d’un contre-courant également renforcé.
Au fur et à mesure que les récits et les stéréotypes coloniaux sont démantelés, un plus grand nombre de personnes pourraient avoir plus de facilité à comprendre l’oppression systémique et à soutenir la réconciliation.
Certains Canadiens et Canadiennes non autochtones commencent à réaliser et à remettre en question la domination des récits coloniaux. Ces récits ont façonné la compréhension populaire de l’histoire du Canada et ont soutenu les structures de privilège et d’oppression. Les générations suivantes seront peut-être plus conscientes des injustices coloniales et de leurs conséquences. Et à mesure que de nouveaux récits émergent du futurisme autochtone, les vieux stéréotypes pourraient céder la place à des visions d’un avenir où les peuples autochtones s’épanouissent et jouent un rôle de premier plan dans un éventail de domaines politiques beaucoup plus large qu’aujourd’hui. L’évolution des modèles mentaux de l’histoire et de l’avenir des peuples autochtones pourrait motiver une demande publique en faveur d’une action plus rapide et plus profonde en faveur de la réconciliation. Cela pourrait aller jusqu’à un soutien beaucoup plus large en faveur de la reconnaissance des droits sur les terres et les ressources, de la réparation des torts, d’une plus grande autonomie en matière d’infrastructures et de programmes sociaux.
À mesure que les connaissances et les visions du monde autochtones prennent de l’importance, elles pourraient modifier la pensée dominante en matière d’économie, de soutien social, de responsabilité écologique et de technologie.
La sensibilisation accrue du grand public et l’adoption des connaissances et des visions du monde autochtones peuvent transformer les opinions et les attentes de la population dans de nombreux domaines politiques. Par exemple, l’adoption du point de vue de la « septième génération », selon lequel il faut toujours tenir compte de l’impact à long terme des décisions prises aujourd’hui, pourrait accroître la tolérance du public à l’égard des concessions à court terme en faveur de gains à long terme. En humanisant la notion de réconciliation, en mettant la personne au cœur du processus, l’opinion publique pourrait soutenir davantage de programmes et de prestations sociales.[i] Appliquée au monde des technologies numériques, cette optique humaniste pourrait atténuer certains méfaits associés aux réseaux sociaux, à la dépendance aux écrans et à la surcharge d’informations. Enfin, l’adoption généralisée de l’idée que la nature est vivante et guérit pourrait accélérer l’acceptation des prescriptions de nature[ii] dans les soins de santé ou l’attribution de la personnalité juridique aux entités naturelles.[iii]
À mesure que la réconciliation avance parmi les personnes non autochtones et que les concepts autochtones s’intègrent dans la prise de décision collective, les sentiments anti-réconciliation existants pourraient devenir encore plus puissants.
La remise en cause des conceptions traditionnelles du passé et de l’avenir, le soutien plus large à une réconciliation plus concrète et l’adoption des perspectives ou des valeurs autochtones constituent une menace pour certains groupes. Les industries extractives pourraient considérer l’intégration des connaissances écologiques autochtones dans les politiques[iv] comme une menace pour leur sécurité économique. Certains pourraient considérer l’acceptation par le courant dominant des perspectives autochtones comme une attaque contre leur conception de l’identité nationale. Dans le même temps, l’intégration du savoir autochtone dans la vie publique pourrait être considérée comme une appropriation culturelle. Chacune de ces réactions pourrait aggraver les fractures et les conflits entre les communautés autochtones et non autochtones, mais aussi au sein des deux groupes.
References
[i] M. Saulis, « Indigenous Wholistic Healing Social Policy, » in Canadian Social Policy: Issues and Perspectives, eds A. Westhues et B. Wharf (Waterloo: WLU Press, 2012) 79-93.
[ii] « Prescribing nature: Research suggests the outdoors are good for your mental health, » CBC, dernière modification le 6 septembre 2021, https://www.cbc.ca/radio/thecurrent/the-current-for-sept-6-2021-1.6163980/prescribing-nature-research-suggests-the-outdoors-are-good-for-your-mental-health-1.6163985.
[iii] Justine Townsend, « Why the first river in Canada to become a legal person signals a boon for Indigenous Rights, » The Narwhal, dernière modification le 11 juin 2021, https://thenarwhal.ca/opinion-muteshekau-shipu-magpie-river-personhood/#.
[iv] « Cadre stratégique sur le savoir autochtone dans le contexte des examens de projets et des décembreisions réglementaires, » https://www.canada.ca/fr/agence-evaluation-impact/programmes/consultation-autochtones-cadre-evaluations-environnementales-federales/initiative-cadr-strategique-savoir-autochtone/cadre-strategique-savoir-autochtone-contexte-examens-projets-decisions-reglementaires.html